Contrat de travail

De la difficulté de concilier le statut des intermittents du spectacle avec le régime du temps partiel

En l’absence de mention dans le contrat de la durée du travail, il incombe à l’employeur qui conteste le temps plein, de rapporter la preuve de la durée exacte hebdomadaire ou mensuelle convenue, de la possibilité pour le salarié de prévoir à quel rythme il devait travailler et de ne pas se tenir constamment à sa disposition.

Le contrat du salarié à temps partiel doit mentionner la durée hebdomadaire ou mensuelle prévue et la répartition de la durée du travail entre les jours de la semaine ou les semaines du mois (C. trav., art., L. 3123-14). Il en résulte que l’absence d’écrit mentionnant la durée du travail et sa répartition fait présumer que l’emploi est à temps complet. Il incombe donc à l’employeur qui conteste cette présomption de rapporter la preuve : de la durée exacte hebdomadaire ou mensuelle convenue ; que le salarié n’était pas placé dans l’impossibilité de prévoir à quel rythme il devait travailler et que le salarié n’avait pas à se tenir constamment à la disposition de l’employeur ( Cass. soc., 21 mars 2012, n°10-23.650). Si l’un de ces 3 éléments de preuve n’est pas rapporté, l’emploi reste présumé à temps plein.

Or la preuve de la durée exacte hebdomadaire ou mensuelle convenue est très difficile à rapporter à l’égard des salariés intermittents du spectacle. En effet, le caractère aléatoire des « missions » de ces salariés se prêtent mal à l’exigence de convenir par avance de la durée hebdomadaire ou mensuelle du travail. C’est ce qu’illustrent 2 arrêts de la Cour de cassation.

Dans la première espèce, le salarié, réalisateur monteur de bandes annonces a été embauché par plusieurs contrats à durée déterminée successifs sur 6 ans pour travailler sur la chaîne de télévision France 3. Il a saisi le conseil de prud’hommes pour demander la requalification de sa relation de travail en contrat à durée indéterminée à temps plein. Pour démontrer que le salarié était à temps partiel, l’employeur rapporte les éléments suivants :
• pour chaque tâche confiée au salarié, la durée du travail était convenue en jours et convertie en heures pour satisfaire le statut des intermittents du spectacle ;
• le nombre de tâches et de jours travaillés était sensiblement le même chaque année (environ une vingtaine de tâches représentant entre 70 et 80 jours d’emploi par an) ;
• si plus de 35 % de ses revenus proviennent de la société France 3, près de 40 % proviennent des indemnités chômage en tant qu’intermittent et le reste d’autres employeurs. Il en résulte que si le salarié travaillait principalement pour la société France 3 pour effectuer des tâches précises selon un horaire libre, il travaillait également pour d’autres sociétés et ne se tenait pas constamment à la disposition de France 3.

Dans la deuxième espèce, la même solution a été retenue à l’égard d’un chef opérateur de son vidéo :
• sa durée du travail était variable et constamment inférieure à la durée légale du travail ;
• les planifications des personnels nécessaires pour garantir la continuité du service à France 3 étaient généralement réalisées d’une semaine sur l’autre selon un tableau prévisionnel de sorte que les salariés employés à temps partiel pouvaient donc prévoir quel serait leur emploi du temps ;
• le salarié n’était pas obligé de déférer à un appel de l’employeur pour une intervention ne figurant pas dans le planning et n’étant pas le seul chef opérateur du son vidéo auquel France 3 avait recours à temps partiel, le salarié pouvait donc prévoir à quel rythme, il devait travailler.

Pour ces 2 litiges, la solution de la Cour de cassation est la même : les éléments de preuve rapportés par l’employeur ne suffisent pas à renverser la présomption du temps plein. L’employeur n’a pas démontré la durée exacte, hebdomadaire ou mensuelle du travail convenue.

Remarque : l’exigence de fixer une durée du travail hebdomadaire ou mensuelle exacte a déjà été relevée dans des arrêts antérieurs : Ainsi, la Cour de cassation a déjà précisé que fixer une durée moyenne de travail (Cass. soc., 16 juin 2011, n° 09-72.776)  ou relever que le salarié travaille entre 3 et 12 jours par mois (Cass. soc., 19 sept. 2012, n° 11-18.942) n’est pas suffisant.

Cass. soc., 11 janv. 2013, n° 11-11.808 Cass. soc., 9 janv. 2013, n° 11-16.433

Sources : Editions Législatives