Paris, le 11 janvier 2021

La culture n’est-elle pas essentielle ?

Jeudi 7 janvier, le Premier Ministre s’est à nouveau exprimé à l’occasion d’une conférence de presse pour faire un état des lieux de la situation sanitaire et annoncer les nouvelles décisions prises par le Gouvernement.
Malheureusement, mais sans surprise, il a annoncé que les lieux culturels ne rouvriraient pas à cette date.

Nous, professionnel·le·s des musiques actuelles, sommes bien conscient·e·s de la situation sanitaire que traverse notre pays et même le Monde.
En revanche, nous ne comprenons pas que 10 mois après le début de cette pandémie, le Gouvernement ne soit toujours pas en capacité de tirer les enseignements de cette crise concernant le secteur culturel.

Certes, comme l’a encore exprimé le Premier Ministre dans un courrier adressé au SMA, de même qu’à l’ensemble des organisations culturelles le 23 décembre dernier, le Gouvernement ne nous oublie pas d’un point de vue financier.
Nous le reconnaissons sans hésiter : les moyens mis à disposition de notre secteur sont massifs et permettent, pour l’instant, de traverser cette tempête à renfort de moyens adaptés pour combler les chutes de chiffres d’affaires vertigineuses subies par les entreprises.
Mais l’argent n’est pas tout… Et c’est bien pour cela que nous croyons au rôle vital de la culture dans notre société !


Nous ressentons un sentiment d’iniquité vis-à-vis des autres secteurs économiques.
Pourquoi nous demande-t-on des éléments scientifiques pour rouvrir les lieux culturels alors qu’on ne les demande pas aux autres secteurs ?
En quoi les lieux culturels sont-ils plus dangereux que les centres commerciaux, les transports ou les lieux de culte ?
Rappelons que le juge des libertés, dans sa réponse du 23 décembre 2020 au référé-liberté porté par 38 organisations du secteur culturel, dont le SMA, a statué sur « l’atteinte grave aux libertés », notamment à la liberté d’expression, à la liberté de création artistique, à la liberté d’accès aux œuvres culturelles et la liberté d’entreprendre engendrée par la fermeture au public de nos lieux. Le maintien de la fermeture ne se justifiait que par la récente dégradation du contexte sanitaire et les incertitudes de son évolution à court terme.
Alors pourquoi continuer à nous interdire d’ouvrir ? Par simple prévention, sans aucun fondement scientifique, parce que nous engendrons des rassemblements ? Comme un symbole de la fermeté et de la cohérence de la politique gouvernementale ?

Nous ressentons encore un sentiment d’incohérence dans les décisions prises.
Pourquoi autorise-t-on la tenue d’actions culturelles dans les écoles ou les salles polyvalentes alors qu’elles demeurent interdites par décret dans les lieux culturels ?
Nous sommes dans l’incapacité de comprendre, et donc d’expliquer à nos publics, à nos partenaires, à nos équipes, le fondement de telles décisions qui privilégient de facto la promiscuité entre les personnes au détriment de la sureté sanitaire de celles-ci dans des lieux adaptés à recevoir du public (ERP de type L).

Nous ressentons un sentiment d’approximation dans les décisions prises.
Cela va faire 10 mois que nous n’avons pas joué dans les salles de musiques actuelles avec un public debout.
Pourquoi avoir fixé une clause de revoyure au 7 janvier alors que le Gouvernement cesse de nous répéter que, quoi qu’il en soit, une période de latence de 15 jours minimum est indispensable afin de pouvoir évaluer les effets du virus suite à un événement ?
Il était donc évident qu’aucune annonce ne pourrait être faite seulement 6 jours après les fêtes de la nouvelle année.
De la même manière, nous proposer une prochaine date de revoyure au 20 janvier pour une possible réouverture des lieux début février est irréaliste. Il est évidemment impossible de remettre en marche des concerts en à peine une dizaine de jours.
Le vaccin semblant être la principale solution pour sortir de cette crise, nous exigeons que le Gouvernement anticipe dès aujourd’hui la réouverture de nos lieux en configuration dite normale, et nous présente une stratégie de reprise d’activité corrélée à l’état d’avancement de la vaccination. Nous sommes prêt·e·s à y contribuer et nous ne serons pas, une nouvelle fois, les oublié·e·s de la remise en marche de notre pays.

Nous ressentons un sentiment de manque de confiance envers les professionnel·le·s de la culture.
Dans les autres pays, les salles de spectacles restent ouvertes, ainsi les salles de spectacle de Madrid jouent avec un protocole sanitaire strict qui a fait ses preuves, et sans recenser de cas supplémentaire lié au virus.
Dans plusieurs pays, des expériences scientifiques de concerts-test démontrent que ceux-ci peuvent se tenir sans danger pour les spectateur·trice·s.
De même en France, lors des mois de septembre et octobre, quand nous avons rouvert les lieux de musiques actuelles en proposant des concerts assis avec respect des normes sanitaires : aucun cas de contamination n’a été recensé dans les lieux.

C’est donc un sentiment d‘exaspération, de frustration, de ras le bol et d’écœurement que nous ressentons aujourd’hui, bientôt un an après le début de cette crise.
Voilà des mois que nous l’avons dit et répété au Gouvernement : nous sommes prêt·e·s à nous plier à des protocoles stricts en vue de notre réouverture et nous les avons transmis.
Réservation en ligne en amont des concerts pour éviter les files d’attente, couvre-feu avec horodatage dans un premier temps s’il le faut, maintien de la distanciation dans les lieux par unité épidémiologique, recours à l’appli #tousanticovid et soutien aux projets de concerts-test pour confirmer la responsabilité et la sûreté de nos lieux, et aller plus en avant dans la reprise des concerts debout.
Nous y sommes prêt·e·s et nous y consentons.

Si malgré la mise en œuvre de l’ensemble de ces dispositions, le Gouvernement continue de refuser la réouverture des lieux culturels alors que l’ensemble des autres établissements recevant du public demeure ouvert au public, preuve sera faite que, pour ce Gouvernement, la culture n’est pas essentielle.

Contact presse :
Aurélie Hannedouche – dg@sma-syndicat.org – 06 99 10 75 75