Communiqué de presse

25 juin 2020


Après une première observation publiée le 20 mars dernier, le SMA a souhaité faire un nouveau point de situation auprès de ses membres, à travers une enquête permettant de mesurer l’impact de la crise sur leur activité quelques mois plus tard. Nous savons désormais que si le secteur des musiques enregistrées n’a pu reprendre le chemin des studios que depuis le 11 mai, les salles de concerts ne joueront pas avant le mois de septembre a minima.

 

Pour rappel, le SMA représente 450 entreprises, TPE et PME, à 80% associatives, de l’ensemble de la filière des musiques actuelles : lieux de musiques actuelles (dont la quasi-totalité des SMAC), festivals, producteurs de spectacles, labels, radios, studios de répétition / création, centres de formations, réseaux, fédérations, etc. Elles fonctionnent avec des budgets de 820 000 euros en moyenne, oscillant de 10 000 à 7 millions d’euros.

 

 

Celles-ci sont subventionnées en moyenne à un tiers de leur budget, toutefois dans des proportions très diverses selon leur typologie : très peu pour les producteurs de spectacles et de disques et significativement pour les radios et les SMAC.

 

De cette enquête, il ressort qu’un adhérent sur deux estime à plus de 50% ses pertes de chiffres d’affaires pour 2020, et cela si le spectacle venait à reprendre en septembre.

 

Ces pertes massives sont pour partie compensées par le maintien très majoritaire des subventions, que ce soit par l’Etat ou les collectivités territoriales. Nous tenons donc à saluer la position de l’Etat qui a permis l’assouplissement de la « clause du service fait », et l’encourageons à aller plus loin en la levant complètement.

Les dispositifs de droit commun ont aussi contribué à limiter l’aggravation de la situation : en effet ce sont plus de 80% des entreprises adhérentes au SMA qui ont activé le dispositif d’activité partielle, 50% des adhérents ont en outre sollicité le fonds de solidarité.

 

En revanche, les dirigeant.e.s de ces structures ont très peu eu recours au prêt garanti par l’Etat (12% des adhérents seulement), « par crainte de s’endetter et de ne pas être en capacité de rembourser ».

 

 

 

Enfin, les adhérents ont aussi très largement mobilisé le dispositif de fonds de secours mis en place par le CNM : plus de la moitié d’entre eux ont d’ores et déjà fait la demande. 

Ces aides sont fondamentales mais elles ne permettront pas de couvrir l’entièreté des dégâts : chaque structure aura des pertes pouvant s’élever de quelques milliers d’euros à plusieurs centaines de milliers à assumer, une fois l’ensemble des aides (générales ou spécifiques au secteur culturel) mobilisées.

15% des entreprises adhérentes se sentent menacées de faillite dans les prochains mois… A cause du manque de visibilité, du retour difficile des publics dans les salles et donc de l’incidence sur la billetterie, de la probable baisse des subventions ces prochaines années, du possible désengagement des mécènes, d’une trésorerie défaillante, de la fermeture des frontières, etc.

 

Au total, ce sont 16 000 représentations annulées et 7 500 reportées qui sont à accuser par les adhérents du SMA sur la période allant du 13 mars au 31 août prochain.

Au-delà de ces aspects quantitatifs, il nous semble aussi important de mettre à jour les angles morts que révèle cette enquête.

 

Les lieux de musiques actuelles

D’abord, pour les salles de concerts, il est important de prendre aussi en considération :

  • La baisse des produits inhérents aux locations de salles,
  • Les pertes d’exploitation sur le bar et la restauration,
  • Les pertes en mécénat.

Malgré leur inquiétude relative à leur modèle économique, 60% des salles de concert ont décidé de maintenir une activité de diffusion « alternative » pendant ces prochains mois pour préserver le lien entre les artistes et les publics. Il peut s’agir notamment de concerts chez l’habitant ou sur rendez-vous, de représentations en terrasse ou en plein air, de réorganisation en configuration assise ou encore de diffusion de livestreams rémunérés.

Les lieux de musiques actuelles sont confrontés à un manque total de visibilité quant à la date et aux conditions de la reprise de leur activité de diffusion qui compromet de facto la pérennité des projets les moins soutenus et des plus récents.

Quant à l’activité de résidence de création et de répétition, elle a très majoritairement repris depuis que le décret du 31 mai l’autorise, et en accord avec les collectivités territoriales.

Nous souhaitons également poser ici une alerte : si, pour le moment, les lieux de musiques actuelles peuvent pour la plupart continuer à jouer leur rôle en termes de solidarité sur leurs territoires, notamment grâce aux subventions de fonctionnement qu’ils reçoivent au titre de leurs projets d’intérêt général, il est clair et évident que si l’Etat et les collectivités se désengagent en 2021, alors leur existence est plus que menacée.

Les festivals

Tous les festivals adhérents programmés entre le 13 mars et le 31 août sont annulés, ou dans d’infimes proportions maintenus et alors réagencés a minima. En revanche, les 45 festivals adhérents qui se déroulent à l’automne souhaitent maintenir leur édition 2020 et attendent avec impatience des réponses quant à cette possibilité.

Il est à noter que presqu’aucun festival adhérent n’a été en mesure d’activer une assurance dans ce contexte, car les clauses excluent la pandémie des risques couverts.

Par ailleurs, cette enquête révèle également des difficultés rencontrées par les salles de concerts et les festivals avec certains éditeurs de billetterie, ce qui nécessite rapidement une médiation sous la tutelle de l’Etat entre les entrepreneurs de spectacles et ces prestataires.

Les producteurs de spectacle

L’enquête révèle qu‘ils sont les plus en danger. En effet, les producteurs de spectacles subissent une interruption totale de leur activité depuis le 13 mars.

De surcroît leur modèle économique repose très essentiellement sur leurs recettes propres pour plus de 87% de leur budget en moyenne.

Les radios

Les radios adhérentes au SMA sont toutes des radios associatives de communication de proximité.

Avec le contexte sanitaire, elles ont ainsi été privées des recettes issues principalement des ateliers d’initiation aux médias qu’elles devaient animer mais aussi des différentes prestations qu’elles sont amenées à réaliser pour les partenaires publics dont celles liées aux diffusions de messages d’intérêt Collectif & Général.

Les centres de formation

Bien que les activités de formation professionnelle aient pu reprendre relativement plus tôt que d’autres activités artistiques, le report des formations et la mise en place du distanciel n’a pu être mis en place à 100% du fait du caractère spécifique des formations dans le champ musical.

Les écoles de musique et les organismes de formation ont pu maintenir certaines de leurs formations malgré les difficultés rencontrées, mais déplorent en moyenne 32% de formations supprimées depuis le début de la crise, ce qui a évidemment une incidence sur leurs recettes propres.

Bien que les écoles de musique et les organismes de formation semblent moins impactés à l’heure actuelle que d’autres structures du champ musical, les baisses d’effectifs et les investissements technologiques et humains induits par la crise sanitaire se feront surtout ressentir à partir de 2021 et mettent clairement en danger la pérennité des structures.

Les labels de disques

L’enquête met en exergue une baisse des ventes de disques de l’ordre de 50% en moyenne, non compensée par le streaming. A noter aussi un report important : cela concerne 2 sorties d’albums sur 3 en moyenne. Les salles de concerts et les festivals étant à l’arrêt, les labels ne peuvent pas non plus compter sur les recettes issues du merchandising.

Ils redoutent par ailleurs les baisses de perception de la copie privée, entre autres, dont une partie alimente les fonds d’aides à la production, ainsi que l’engorgement des bacs de disques comme des playlists des services de streaming par tous les projets reportés dont les plus importants éclipseront ceux consacrés à la découverte. 

Enfin beaucoup s’attendent à une période longue d’au moins deux ans, de baisse de perception avant qu’un retour à la normale ne se dessine.

Devant la gravité de ces constats, le SMA réaffirme les revendications déjà formulées pour une nouvelle donne en faveur des musiques actuelles :

Des dispositions réglementaires :

1. Nous demandons de la visibilité et un accord de principe ces tout prochains jours en vue de la reprise de l’activité dans les salles de concerts et les festivals à compter du 1er septembre au travers d’un plan co-construit avec le Gouvernement et les professionnel.le.s.

2. Nous demandons que la « clause du service fait » soit dès lors systématiquement levée et que les contrats passés soient payés en totalité.

3. Nous demandons que les obstacles réglementaires soient levés, notamment :
– Le décret son
– La circulaire Collomb

Des dispositions financières :

4. Nous souhaitons que les entreprises de l’ensemble du secteur des musiques actuelles, quelles que soient leurs formes juridiques, puissent continuer à bénéficier du dispositif d’activité partielle à taux plein tant que l’activité n’aura pas complètement repris.

5. Nous demandons aussi un assouplissement et une bonification des critères du Fonpeps pour faciliter les embauches à venir et soutenir la reprise de l’emploi.

6. Nous demandons un engagement pluriannuel en faveur du financement du CNM ainsi que l’allocation de ressources extrabudgétaires à l’EPIC.

7. Nous demandons la création du fonds en faveur des festivals, conformément aux annonces du Président de la République en date du 6 mai.

8. Nous demandons, pour l’attribution des points de la subvention sélective du FSER (fonds de soutien à l’expression radiophonique) 2021, que soit attribué au minimum le nombre de points alloués à chaque radio pour la subvention sélective du FSER 2020 basée sur les activités 2019.

Des dispositions fiscales :

9. Nous demandons une défiscalisation totale des dons des mécènes (entreprises et particuliers).

10. Nous demandons, en plus de l’accélération des versements, que les crédits d’impôts spectacle vivant (CISV) et production phonographique (CIPP) soient bonifiés dès à présent et pendant toute la phase de relance.

11. Nous demandons que le disque puisse bénéficier du taux réduit de TVA de 5,5% comme d’autres objets culturels (livres, billetterie du cinéma, etc.).

Nous invitons aussi à la vigilance face à la restructuration en cours suite à cette crise. En effet, nous constatons que les fragilités systémiques de l’ensemble de la filière comme l’affaiblissement des projets portés par des indépendants fortement impactés (associations, TPE & PME…) les rendent plus vulnérables à l’appétit des forces financières à l’affût. Nous appelons donc à une régulation en vue d’éviter une situation de plus en plus oligopolistique qui affaiblirait la diversité et mettrait en péril l’emploi.

Nous lançons un appel solennel à une solidarité accrue entre les professionnel.le.s. Au-delà de nos divergences d’approches ou de modèles, nos métiers sont interdépendants. Il est primordial d’entretenir un cercle vertueux de confiance pour garantir la pérennité de l’ensemble des structures et des projets au sortir de cette crise qui risque de durer. Si la primauté du geste artistique et le respect des publics sont les valeurs qui transcendent nos différences, nous devons dès aujourd’hui travailler ensemble à une relance durable du secteur. Soyons à la hauteur de la passion qui nous anime et qui rassemble nos concitoyens.

Enfin, la gouvernance du CNM doit être le fidèle reflet de la diversité des initiatives pour assurer une parfaite représentativité du secteur musical.

 

Contact presse : Aurélie Hannedouche – Déléguée générale du SMA – dg@sma-syndicat.org – 06 99 10 75 75