Dans un contexte de plus en plus marqué par l’arrivée de groupes capitalistiques au sein de la filière des musiques actuelles, il nous a semblé important de procéder à une mise à jour de cette cartographie. Dans la précédente cartographie en date de 2022, on dénombrait six principaux opérateurs : on en compte désormais dix.

Ce schéma s’inspire des travaux du Monde diplomatique et de l’Acrimed et de leur carte « Médias français, qui possède quoi ? ».

Sa mise à jour a été réalisée à l’initiative et avec le soutien du SMA – Syndicat des Musiques Actuelles par Matthieu Barreira.

Cette cartographie est strictement factuelle ; elle ne présente en aucun cas des opinions ou des partis pris.

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Lecture

En rouge apparaissent les nouveautés : nouveaux acteurs notables, nouveaux liens commerciaux, rachats ou dissolutions.
Cette cartographie ne présente pas les filiales de ces groupes dans les autres secteurs où ils sont présents (affaires, finances, pétrole, transports, logistique, télécom, etc.), ni toutes les filiales, possessions, parts, artistes, etc. pour des questions de confort de lecture.
De plus, de nouvelles entités apparaissent suite à des remaniements de la cartographie, mais ne sont pas forcément des nouvelles acquisitions.

Nous nous efforçons de garantir l’exactitude des informations, mais des erreurs peuvent persister. Aussi, merci de nous les signaler ou de nous faire part de vos éventuelles suggestions ou améliorations.

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Constats

L’arrivée de nouveaux opérateurs…

Jean-Michel Baylet, Daniel Kretinsky, Klaus-Peter Schulenberg et Bernard Arnault sont les quatre nouveaux arrivants principaux dans le paysage musical français.

Jean-Michel Baylet
Il possède 68% du groupe La Dépêche. Le groupe La Dépêche fait son entrée récente dans le secteur de la musique via l’acquisition de plusieurs festivals[1], en complément de son activité médiatique, toujours dans le sud-ouest de la France. Le groupe a en outre nouvellement acquis 5% de Digital Century (Konbini, Herstory, Le Gorafi)[2].

Daniel Kretinsky
Il est l’actionnaire majoritaire de FNAC et Darty[3], détenant également 35% de France Billet, l’une des principales sociétés de billetterie. Il a également investi 5% dans le groupe TF1[4] et est actionnaire à 50% de Czech Media Invest. Il a racheté le groupe Editis lors de sa revente par Vincent Bolloré après l’acquisition par celui-ci du groupe Hachette[5]. Daniel Kretinsky va aussi reprendre le canal 18 de la TNT suite à la fin de C8 et NRJ12, avec une chaîne appelée T18[6].

Klaus-Peter Schulenberg
Il est directeur général et actionnaire majoritaire de CTS Eventim, société actionnaire majoritaire de France Billet[7] et qui détient également Garorock ainsi que plus de 40 festivals en Europe. CTS Eventim est donc très présent dans le live en Europe au travers de festivals comme le Greenfield en Suisse ou le Nova Rock en Autriche[8].

Bernard Arnault
Il détient à 47% le groupe LVMH (il en est l’actionnaire majoritaire) mais aussi la Fondation Louis Vuitton. Il arrive dans le secteur musical en acquérant une partie de Lagardère[9]. Il possède ainsi les médias du groupe ainsi que des parts de salles de spectacle telles que les Folies Bergère et le Casino de Paris.

En termes de nouveautés, on note aussi l’arrivée de plus en plus prégnante de groupes comme Fever, Edeis ou GL Events dans le secteur. Ils n’apparaissent qu’à la marge sur la cartographie car leur présence est limitée à ce stade.

Fever
Fever est une société espagnole créée en 2014 qui propose des recommandations d’événements dans plus de 100 villes ainsi qu’une billetterie afférente, mais qui produit ou coproduit également des événements : Candlelight (concerts à la bougie)[10], expositions immersives, festivals Initial et Hypnotize bientôt à Lyon et à Bordeaux[11].
Fever est ainsi présent dans plus de 40 pays.

Edeis
Présent dans plusieurs pays d’Europe, le groupe est né d’un partenariat entre la société de participations Impact Holding et le fonds d’investissement français Ciclad. Initialement gestionnaire d’infrasctructures portuaires et aéroportuaires et spécialisé dans le conseil en construction, ingénierie et infrastructures[12], il développe désormais son action dans le secteur culturel, principalement à travers la gestion de monuments historiques et de sites culturels et touristiques[13]. Avec son volet Edeis Culture, il assume par exemple la gestion de l’Arena du pays d’Aix depuis 2025, de la Cité de la Mer à Cherbourg mais aussi de la Maison Carrée à Nîmes et du théâtre antique d’Orange[14].

GL Events
Entreprise fondée en 1978 spécialisée dans le secteur de l’événementiel, GL Events est basée à Lyon. Elle gère une cinquantaine de sites évènementiels et est le prestataire de grands événements sportifs[15]. L’entreprise a aussi remporté en mai 2025 la gestion de la concession du Stade de France jusqu’en 2054[16].

… et l’affirmation de la présence d’opérateurs majeurs dans le paysage musical…

Matthieu Pigasse, Philip Anschutz, John Malone, Vincent Bolloré, Jean-Luc Lagardère et Marc Ladreit de Lacharrière conservent quant à eux leur place d’opérateurs majeurs dans la filière, avec quelques nouveautés :

Matthieu Pigasse
Son groupe Combat organise désormais depuis 2024 le festival Golden Coast[17] en partenariat avec Please Please, Play Two et Believe. De surcroît, l’homme d’affaires a récemment lancé Combat Rock « pour soutenir les festivals indépendants »[18] et a d’ores et déjà noué un premier lien avec le festival associatif La Route du Rock à Saint Malo pour son édition 2025[19].

Philip Anschutz
Via son groupe AEG, il détient desormais 43% de la gestion du Palais Omnisports de Bercy. La ville de Paris, via sa SEM, en est l’actionnaire majoritaire. Cette même SEM gère aussi le Bataclan[20] et l’Adidas Arena ouverte à l’occasion des Jeux de Paris 2024. AEG a tenté la création du festival Major Bay à Marseille[21] qui ne s’est toutefois pas poursuivi après la première édition en 2023. AEG est toujours présent dans le capital de la société qui gère le festival Rock en Seine à parité avec celle de Mathieu Pigasse[22]. Ces deux sociétés, selon la presse, sembleraient en bonne position pour racheter le festival parisien We Love Green[23]. Aux USA, Philippe Anschutz est l’un des principaux acteurs du secteur de la musique via AEG. Il détient par exemple le célèbre festival Coachella ; il est en outre un proche de Donald Trump et finance notamment ses lobbys anti-avortement, pro-armes et anti-LGBT[24].

John Malone
Il détient 97,11% de Liberty Media Corporation[25], devenant actionnaire majoritaire de Liberty Live Group, dont dépend Live Nation.
Live Nation est associé à la France Music Week via Auditoire[26] et a repris depuis 2025  l’organisation du MIDEM[27]. Il possède et gère de nouveaux festivals : Oberkampf Music Festival, Brunch Electronik, Paris Paradis, Chantilly Festival. Live Nation lance aussi un partenariat avec Mastercard[28], par exemple dans le cadre des préventes de la billetterie pour la tournée de Lady Gaga.
Live Nation Entertainment possède aussi toujours la billetterie Ticketmaster, qui s’est faite attaquer en justice par le ministère de la Justice américain en 2024 pour abus de position dominante et monopole illégal sur la vente de billets de concert[29].

Vincent Bolloré
Il prend le contrôle de Lagardère[30]. Dans le cadre de la scission de Vivendi avec Hachette Groupe, Vivendi vend une partie de ses activités de festivals et de billetterie pour une valeur d’environ 300 millions d’euros[31].
Vivendi possède également 9,94% d’Universal Music Group[32] et vend Editis à Kretinsky[33]. Il possède cependant toujours l’Olympia mais aussi See Tickets France, l’une des principales billetteries du spectacle en France.
Hachette Group possède de son côté 100% de Prisma Media[34].

Jean-Luc Lagardère
Il contrôle Louis Hachette Groupe, rachète Euterpe Promotion[35] et gère l’Arena du Pays d’Aix jusqu’à début 2025 (avant la reprise de la gestion par Edeis)[36]. Il partage LVMH avec la famille Arnault[37]. Le groupe est desormais contrôlé par Bolloré.

Marc Ladreit de Lacharrière
Il est le fondateur et président de la holding Fimalac. Le Pin Galant[38], l’Arena du Grand Paris et le Zénith de Rouen Normandie rejoignent par ailleurs le giron des salles gérées par Fimalac. Fimalac exploite ainsi, via son groupe S-PASS TSE[39], 5 Zéniths en France ainsi que 6 Arenas comme Les Arènes de Metz ou Narbonne Arena.

…qui prennent le contrôle de l’entiereté de la chaîne de valeur.

Les grands groupes contrôlent l’entiereté de la chaîne de valeur des musiques actuelles en France : de la production d’artistes à la diffusion (salles, festivals) aux médias, en passant par la commercialisation via la billetterie, ce qui leur permet aussi de détenir les datas clients. On peut alors parler d’intégration verticale.

On note que certains protagonistes opèrent aussi des rachats de concurrents : on distingue alors ici une concentration horizontale doublée d’une concentration verticale.

Cette cartographie montre l’importance de l’imbrication de l’ensemble de ces logiques.


[10] Concerts à la bougie : Fever monte le son avec son concept Candlelight
[18] Intérêt pour We Love Green, soutien aux festivals associatifs : Matthieu Pigasse accélère dans la musique
[25] John Malone reorders media empire as CEO exits
[33] Vivendi a trouvé un accord avec Daniel Kretinsky pour la vente d’Editis