Cette tribune est une initiative collective et a été publiée dans Libération, vous pouvez rejoindre les signataires de la tribune et soutenir la démarche ici.

C’est une première, un artiste en tête d’affiche d’un festival marseillais, contraint d’emprunter un jet privé pour assurer son concert dans les temps, a été déprogrammé pour des raisons environnementales.

Ce choix de transport de l’artiste n’était que la conséquence d’un « double-booking ». À savoir, la programmation de deux prestations à seulement quelques heures d’intervalles, mais à plus de mille kilomètres. Une pratique malheureusement monnaie courante dans le secteur mais aberrante écologiquement et socialement.

Être plus rapides ne nous a jamais rendu plus sobres. Ce moyen de transport ultra polluant, qui émet 50 fois plus de CO2 qu’un train, est systématiquement refusé par Le Bon Air Festival (organisé à la Friche la Belle de Mai à Marseille) dont il est question ici. Ce dernier impose de manière contractuelle que la moindre réservation de transport soit validée en amont par les deux parties.

Cet exemple illustre les tensions antinomiques qui traversent actuellement le secteur des musiques actuelles : sa transition est heurtée par l’accélération aliénante des profits.

Le rapport du projet Déclic, décarbonons le live collectivement, porté par le SMA et la FEDELIMA, publié en avril dernier est unanime : les mobilités (des publics et des artistes) représentent plus de la moitié des émissions carbone d’un festival. Les efforts à réaliser sont considérables pour réduire l’empreinte environnementale mais l’enjeu est bien plus grand si l’on regarde du côté symbolique et de la construction du récit global. Comment inciter les publics à privilégier des moyens de transports décarbonés si les artistes traversent la planète toutes les semaines en jet privé ?

À l’heure où le Gouvernement français ambitionne d’atteindre la neutralité carbone en 2050, le secteur des musiques actuelles doit lui aussi se mobiliser pour prendre part face à ces enjeux.

Le Centre National de la Musique affine ses programmes d’aides financières, des initiatives fleurissent, des voix s’élèvent : il est urgent d’accorder nos ambitions et de les mettre en action.

Ainsi, nous demandons :

• Un engagement conjoint du ministère de la Transition écologique, de sa délégation aux Transports et du ministère de la Culture pour soutenir les entreprises culturelles dans leurs actions en termes de mobilités culturelles ;

• Une accélération du dialogue entre l’Etat, les collectivités territoriales, les organisations culturelles et les publics pour renforcer les infrastructures et diversifier le panel d’offres de mobilités douces et décarbonées comme annoncé par le ministère de la Culture ;

• La conscientisation des enjeux environnementaux ainsi que l’encouragement des mobilités décarbonées et des bonnes pratiques dans les critères de recevabilité des financements publics ;

• L’incitation à la transition écologique et sociale par le biais des conventions collectives, la régulation des contrats et la limitation des clauses d’exclusivités géographiques pour les représentations artistiques ;

• Une modification des pratiques des partenaires, des organismes de gestion collective, des financeurs, des mécènes et des GAFAM vers plus de soutenabilité.

Que ce soit pour l’égalité des genres, la lutte contre les discriminations, les violences sexistes et sexuelles ou encore les questions environnementales, le secteur des musiques actuelles a toujours été ancré dans son époque et en première ligne des thématiques de société. Nos organisations fédèrent et inspirent toute une jeunesse.

La musique est la première pratique culturelle en France, aussi en tant que membres de ce secteur, nous avons une responsabilité collective à transformer nos habitudes en termes de mobilités pour répondre aux grands défis sociétaux.

Premier·es signataires :

AGORIA (Artiste), Solweig BARBIER (Déléguée générale et Co-fondatrice de ARVIVA), Alice BEAUVOIS (Co-directrice de Aremacs), Antoine CHAO (Journaliste à Radio France), Jean-Marc COPPOLA (Adjoint Culture à la Ville de Marseille), Alban CORBIER-LABASSE (Directeur de la Friche la Belle de Mai), Laurent DECÈS (Président du SMA – Syndicat des Musiques Actuelles), Jean-Paul DENIAUD (Directeur de Pioche! Magazine), Juliette DONADIEU (Directrice générale de la Gaîté Lyrique), David IRLE (éco-conseiller au Bureau des Acclimatations), Collectif GOGOGREEN (Artistes), Johnny Hostile (Artiste), Alexandra JOUCLARD (Avocate au Barreau de Paris), Stéphane KRASNIEWSKI (Directeur du festival Suds, à Arles), Magali PAYEN (Fondatrice d’On est Prêt), PUPAJIM (Artiste), Jérémie RENIER (Collectif CUT! – Cinéma Uni pour la Transition), SIMO CELL (Artiste), Cyril TOMAS-CIMMINO (Direction du Festival Le Bon Air), Samuel VALENSI (La Poursuite du Bleu / The Shift Project), Anita WEBER (Présidente de l’Observatoire des Politiques Culturelles).

CONTACT PRESSE : Aurélie Hannedouche, directrice du SMA – dg@sma-syndicat.org – 06 99 10 75 75